Chromosome supplémentaire et détermination du sexe des poissons de la grotte Pachón

[Communiqué de presse] Un chromosome supplémentaire derrière le mystère de la détermination du sexe des poissons de la grotte Pachón !

Une collaboration internationale coordonnée par INRAE, le CNRS et l’Université Paris-Saclay montre pour la première fois chez un vertébré qu’un chromosome non-essentiel, appelé chromosome B, détermine le sexe des poissons cavernicoles de Pachón, une espèce qui sert de modèle d’étude pour l’évolution en milieu souterrain. Ces résultats, publiés le 7 septembre dans la revue Current Biology, décrivent un nouveau système de détermination du sexe chez les poissons, un apport majeur en biologie évolutive.

Chaque cellule qui constitue un être vivant contient l’information génétique qui le caractérise au sein de paires de chromosomes de type A, qui doivent être présents de façon intégrale et inaltérée pour assurer la survie des individus d’une espèce. Par exemple, l’information génétique de l’espèce humaine est contenue dans un jeu de 23 paires de chromosomes A. Mais il existe également chez beaucoup d’espèces un autre type de chromosomes, appelé chromosomes de type B. A l’inverse des chromosomes de type A, ils ne sont pas systématiquement présents chez tous les individus d’une espèce et ont souvent été appelés chromosomes accessoires ou non essentiels, car non nécessaires à la survie de l’espèce. Ils ont d’ailleurs longtemps été considérés comme des parasites génomiques, et leur biologie reste assez énigmatique.

De l’importance des chromosomes A … et B

Chez la plupart des vertébrés c’est l’information génétique issue des chromosomes A qui détermine le sexe d’un individu, à travers les chromosomes sexuels qui conditionnent le développement du sexe mâle ou femelle. Chez les mammifères par exemple, le développement du sexe femelle est conditionné par la présence d’une paire de chromosomes XX et celui du sexe mâle par la paire XY. Chez quelques espèces de poissons possédant des chromosomes B, ceux-ci ont parfois été trouvés de façon prédominante chez un seul sexe. Mais leur implication réelle dans le déterminisme génétique du sexe n'avait jamais été étudiée jusqu’à aujourd’hui.

Le rôle du chromosome B dans la détermination du sexe des poissons cavernicoles de la grotte Pachón

CP_yann

Des scientifiques d’INRAE, du CNRS* et de l’Université Paris-Saclay ont étudié les chromosomes B d’une espèce de petit poisson cavernicole aveugle de la grotte Pachón au Mexique. Dénommée  Astyanax mexicanus, elle sert de modèle d’étude pour l’adaptation à la vie souterraine en l’absence de lumière.

En analysant les chromosomes des cellules de ces poissons, les chercheurs et chercheuses ont constaté qu’il existe un chromosome B présent chez tous les mâles et absent (ou extrêmement rare) chez les femelles. Par la suite, les scientifiques ont séquencé le génome des poissons mâles et étudié un gène présent dans la séquence du chromosome B, le gène gdf6b. Son expression a été étudiée lors du développement de ces poissons cavernicoles dont, au départ, les organes sexuels sont indifférenciés entre mâle et femelle. Les scientifiques ont montré que ce gène était exprimé lors de la différentiation sexuelle vers les organes mâles et qu’il n’était pas exprimé lors de la différentiation vers les organes sexuels femelles. Enfin, en inactivant ce gène chez les poissons mâles, l’équipe de recherche a observé qu’ils s’inversaient en femelle. Ce qui montre que ce gène porté par le chromosome B a un rôle essentiel dans la différenciation sexuelle des poissons cavernicoles de la grotte Pachón.

Cette étude montre pour la première fois chez un vertébré qu’un chromosome de type B détermine le sexe des individus. Ce chromosome « B sexuel » se comporte un peu comme un chromosome Y chez les mammifères, en possédant un gène déterminant majeur qui va induire le développement d’un sexe mâle et qui est transmis uniquement de père en fils. De nombreuses questions persistent sur l’origine de ce chromosome « B sexuel » car ils ne sont pas présents au sein de toutes les populations d’Astyanax mexicanus. Les recherches se poursuivent donc pour mieux comprendre l’évolution du déterminisme sexuel chez cette espèce.

*De l’Institut des neurosciences Paris-Saclay (CNRS/Université Paris-Saclay), de l’Institut de génomique fonctionnelle (CNRS/Inserm/Université de Montpellier) et de l’Institut des sciences de l'évolution de Montpellier (CNRS/IRD/Université de Montpellier).

Voir aussi

Référence

Boudjema Imarazene, et al. A supernumerary “B-sex” chromosome drives male sex determination in the Pachón cavefish, Astyanax mexicanus Current Biology September 07, 2021DOI:https://doi.org/10.1016/j.cub.2021.08.030

Date de création : 08 septembre 2021 | Rédaction : Service communication