Larve J2 du nématode à kystes de la betterave Heterodera schachtii

Croisements consanguins chez les nématodes phytoparasites

Comprendre et quantifier les croisements consanguins chez les nématodes phytoparasites pour mieux gérer l’utilisation des résistances végétales

Certains organismes ont de faibles capacités de déplacement et de dispersion, comme les nématodes phytoparasites dans les sols, ce qui limite les possibilités/probabilités de trouver un partenaire sexuel génétiquement éloigné. La conséquence est de nombreux accouplements entre individus génétiquement apparentés, ce qui limite la diversité génétique au sein des populations. Ces croisements consanguins peuvent avoir des conséquences notamment sur la capacité qu'ont ces organismes à contourner les mécanismes mis en jeu par les plantes pour leur résister.

En théorie, les faibles capacités de dispersion active des nématodes à kystes devraient aboutir à une fréquence élevée de croisements entre apparentés dans les populations (consanguinité) et/ou à l’apparition d’une sous-structuration à une échelle inférieure à celle de la population (effet Wahlund). Des études antérieures avaient permis de mettre en évidence un fort déficit en hétérozygotes au sein de populations naturelles des nématodes à kystes Globodera pallidaG. tabacum et Heterodera schachtii qui attaquent respectivement la pomme de terre, le tabac et la betterave.

L’objectif de ce projet était de déterminer si ce déficit était provoqué par :

  • la présence d’allèles nuls dans les jeux de données,
  • un fort niveau de consanguinité,
  • une structuration de la variabilité génétique à une échelle inférieure à celle de la rhizosphère.

Dix-neuf populations de G. pallida (dont 4 péruviennes), 13 de G. tabacum et 34 de H. schachtii ont été échantillonnées à l’échelle de la plante hôte et 30 individus par population ont été génotypés avec de nouveaux sets de marqueurs microsatellites. Ces données ont permis de montrer que les déficits en hétérozygotes ne sont pas dus à la présence d’allèles nuls et de dissocier consanguinité et effet Wahlund.

Nous avons ainsi montré qu’une dispersion limitée conduit à des déficits en hétérozygotes provoqués soit par des croisements entre individus apparentés (consanguinité), soit par de la sous-structuration à l’échelle de la plante hôte, en fonction du nombre de générations réalisées par l’espèce considérée.

Contrairement à G. pallida qui n’effectue qu’une génération par an (espèce monovoltine), G. tabacum et H. schachtii réalisent plusieurs générations par an (espèces polyvoltines).

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: Matrices de vraisemblance pour (A) une population française de Globodera pallida, (B) une population péruvienne de G. pallida, (C) une population de Globodera tabacum et (D) une population d’Heterodera schachtii. Le point le plus foncé de la matrice indique le maximum de vraisemblance.

Matrices de vraisemblance pour (A) une population française de Globodera pallida, (B) une population péruvienne de G. pallida, (C) une population de Globodera tabacum et (D) une population d’Heterodera schachtii. Le point le plus foncé de la matrice indique le maximum de vraisemblance.

Nos résultats montrent que la consanguinité semble être favorisée chez l’espèce monovoltine (A) alors que la sous-structuration est majoritaire chez les espèces polyvoltines (C et D). Le cas particulier des populations péruviennes de G. pallida montre que les parcelles assez peu travaillées (situées dans une région vallonnée où l’agriculteur travaille le sol à la main uniquement) vont également permettre la mise en place d’une sous-structuration (B).

La sous-structuration observée chez les espèces polyvoltines pourrait ainsi masquer un fort taux de consanguinité lors de la première génération. Une hypothèse que nous comptons tester en couplant des approches théoriques (modélisation) et expérimentales.

La présence d’une fréquence élevée de croisements entre apparentés chez les nématodes phytoparasites a des conséquences en termes de contournement des résistances végétales. Les croisements consanguins mènent, en effet, tous les loci vers l’homozygotie, y compris ceux impliqués dans la virulence, qui est souvent récessive et donc favorisée à l’état homozygote.

Montarry J., Jan P.L., Gracianne C., Overall A.D.J., Bardou-Valette S., Olivier E., Fournet S., Grenier E. and Petit E.J. (2015) Heterozygote deficits in cyst plant-parasitic nematodes: possible causes and consequences. Molecular Ecology24: 1654-1667. DOI

Projet SPE 2012-2013 ‘Les faibles capacités actives de dispersion des nématodes entrainent-elles une sous-structuration des populations ?’ coordonné par Josselin Montarry (UMR IGEPP) et Eric Petit (UMR ESE).

Cet article constitue un chapitre de la thèse de Cécile Gracianne, intitulée ‘De la génétique des populations à la gestion durable des résistances : intérêt de l’étude des populations sauvages des pathogènes des cultures. Cas de deux nématodes à kystes et de leur hôte sauvage commun.’ et soutenue le 10 avril 2015.

Date de modification : 06 février 2023 | Date de création : 15 juin 2015 | Rédaction : Igepp